Il faisait très chaud et le bilan n’est presque pas digne de ce nom : peu de contenu, quelques grands mots, une déclaration tout à fait non révolutionnaire, beaucoup de publicité pour le Vice-chancelier autrichien, et quelques manifestants qui complètent l’image tout à fait habituelle du vide politique.
Il y avait quand même un certain air de comédie, jeudi 20 juin, à Vienne, quand le Parti conservateur européen (EPP) a rassemblé les chefs conservateurs européens au Kursalon, un bâtiment au style italien de la Renaissance. Ils étaient tous là : Angela Merkel, José Manuel Barroso, Antonis Samaras, Karel Schwarzenberg, Jean-François Copé et même Victor Orbán, le Premier ministre hongrois récemment controversé. Veni, vidi… et parti – telle semblait être la devise lors de l’arrivée des grandes têtes. Ni Mme Merkel, ni M. Barroso, ni M. Orbán n’ont donné d’interviews aux journalistes crevant sous le soleil depuis trois heures, à 40°C. M. Samaras, bouleversé par une crise institutionnelle et politique en Grèce et ayant fermé la télévision publique, a affirmé que son pays avait « fait des progrès, et faisait des progrès tous les jours. » Le vice-chancelier autrichien a pu placer son message de campagne pour les élections en septembre : « De nouveaux emplois, plus de compétitivité, plus d’opportunités pour l’Europe de faire un pas vers l’avant, aussi envers d’autres continents. » Un message tout à fait non-révolutionnaire qui se retrouve aussi – quelle surprise – dans la déclaration finale du sommet, la « Vienna Declaration. » Sacré coup de publicité, M. Spindelegger !
Emploi et croissance – l’éternelle histoire
Confronté par un journaliste de l’agence Reuters à la remarque selon laquelle la politique européenne serait figée jusqu’aux élections allemandes, le président de la Commission a affirmé, lors de la conférence de presse conjointe avec M. Spindelegger et M. Marthens, ancien Premier ministre belge, 77 ans et président du EPP : « [En Europe] nous prenons des décisions ». M. Barroso a d’ailleurs remercié M. Spindelegger pour « l’accueil chaleureux, dans tous les sens du terme », tout en essuyant les marques de transpiration sur son front.
La déclaration finale du sommet, « New Growth and Jobs for Europe », affirme que le chômage des jeunes est une « top priorité » et réitère le soutien du EPP pour l’union bancaire et l’accord de libre-échange avec les États-Unis, comme le souligne aussi le vice-chancelier. « Nous ne voulons pas de grandes augmentations d’impôts. Nous voulons stimuler l’économie et lui donner la liberté de se déployer », explique-t-il. Pour le Parti conservateur européen, les deux priorités européennes seraient l’emploi des jeunes et le financement de l’économie. « Une partie des solutions ne peuvent être réalisées qu’une fois que certaines réformes seront mises en place. C’est pourquoi nous devons être créatifs pour adresser certains problèmes dans le court terme, a déclaré M. Barroso. Notre réponse à la crise était complète ».
« Nous avons besoin d’austérité, mais avec des investissements ciblés et intelligents, » ont affirmé quasi à l’unisson M. Spindelegger avant et M. Barroso après le sommet. Or, M. Barroso a ajouté : « Nous savons qu’un Conseil européen ne va pas résoudre les problèmes européens. C’est une approche à petits pas ». Réalisme, quand tu nous tiens ?
Vienne, la diplomatie et rien d’inhabituel
Le Kursalon était jadis un lieu où l’on servait de l’eau curative aux malades en espérant les guérir. Quelle coïncidence alors que l’activité principale en salle de presse était concentrée autour du bar ! Oui, il faisait chaud. Très chaud. Même les deux appareils de climatisation, amenés en vitesse trois heures après le début du sommet, n’y changeaient pas grand-chose. Ni l’eau (non curative), d’ailleurs. Comme le commerce avec l’eau ne fonctionnait pas trop après la guerre, le Kursalon s’est très vite transformé en salle de concert. Chaque année, plus de 400 concerts classiques y ont lieu. Ce n’est donc pas non plus une grande coïncidence que les hommes politiques y aient donné un concert très classique – et (presque) dans les temps : l’heure de retard du président de la Commission européenne et les deux heures de la chancelière allemande sont excusées.
Vienne a en effet déjà connu mieux en terme de diplomatie et de résultats politiques. Le Parti conservateur autrichien ÖVP plonge dans les sondages. « Le EPP exprime pleinement son soutien à M. Spindelegger », a déclaré M. Martens. Le vice-chancelier, tout fier avec à sa droite M. Martens et à sa gauche M. Barroso, ne pouvait dissimuler un petit sourire au moment où le président de l’EPP a dit « vouloir se retrouver ici l’année prochaine, mais avec M. Spindelegger dans une autre position – celui de chancelier. »
Pour le EPP il s’agissait d’une rencontre préparant le Conseil européen, ainsi que les élections européennes de 2014. La déclaration pourrait être vue comme un premier manifeste du Parti conservateur en un peu plus de 500 mots, comme l’affirment certains commentateurs. Seul absent ? Le contenu, même s’il y a de quoi affoler l’Espagne et la Grèce : « la consolidation fiscale doit être la priorité d’une économie européenne forte ».
La cause de l’antirévolutionisme de l’EPP est Berlin. Il s’agit de ne surtout pas installer une mauvaise ambiance autour de la chancelière qui s’apprête à gagner ses prochaines élections. L’ARD, la première chaine publique allemande, n’était même pas présente. Angela Merkel faisait figuration pour un conservateur autrichien en détresse, tout en restant discrète et invisible pour son audience nationale. Le national l’emporte sur l’européen – rien d’inhabituel en Union européenne.
Devant l’entrée du Kursalon, une vingtaine de manifestants exhortait Angela Merkel à « rentrez chez elle », et dénonçaient la politique d’austérité européenne. Ce qui normalement permet au journaliste désespéré de sauver son article si un événement ne s’y prête pas n’est ici – malheureusement – rien d’inhabituel non plus. Much ado about nothing – Beaucoup de bruit pour rien. Comme quoi William Shakespeare n’avait pas tort en 1600.
Publié le 1er Juillet 2013 dans Le Journal International